Lucile Olympe Haute  

Manifeste des  cybersorcières

Cyberwitches Manifesto

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Lucile Olympe Haute Cyberwitches Manifesto Manifeste des Cybersorcieres

Le Manifeste des cybersorcières veut penser ensemble spiritualité, émancipation technique et engagement politique — qu'il s'agit d'entendre dans le sens élargi d’un « vivre ensemble » écoresponsable, débordant l’anthropocentrisme et incluant les règnes végétal, animal, fongique, jusqu’aux communautés de bactéries de nos biotopes.

Plus qu’à les rêver, il invite à mettre en corps des voies alternatives au catastrophisme et à l’inertie. Les symboles ont des effets à la fois psychologiques et politiques. Ils façonnent notre culture, nos valeurs, nos attentes et nos seuils d’acceptabilité. Les fictions changent le monde.

Enjeu technique : dans une démarche d’émancipation technologique vis-à-vis des logiciels propriétaires, toutes les formes imprimées du Manifeste des Cybersorcières sont réalisées en web to print (sortie pdf depuis un navigateur web reposant sur les langages html et css).

The Cyberwitches Manifesto brings together three areas that are usually thought of separately: Spirituality, Politics and Technology. The manifesto therefore addresses witches, activists and hackers with multiple references. Among others, one can read quotes from Audre Lorde, Carolyn Merchant and Starhawk as well as suggestions from Les Guérillères by Monique Wittig and Woman and Nature by Susan Griffin. Consistently, Lucile Olympe Haute uses exclusively non-proprietary open source software for the publication of the manifesto.

The Cyberwitches Manifesto has been written to bring together witches from different backgrounds: Reclaiming & wiccan witches (who don't care much about technology), DIY/makers/geek (who often don't care much about spirituality and feminism) and queer/trans-feminists and activits (who don't care much about spirituality and digital technology either). All of them are politically committed (ecofeminism, queer/trans-feminism, technological emancipation) and involved into empowerment processes.

In 2017, Lucile Olympe Haute gathered 4 friends who call themselves "witches" but doing so, implicate very different meening into that word. Togather, they performed a filmed ritual, with the aim of expressing the "witch" in each one of them. This collective moment was the precursor of the manifesto. It has been written 2 years later. Except exhibitions setups, the following images are taken from this moment.

Lucile Olympe Haute cyberwitches cybersorcieres HMKV pic credit: HMKV

PRESS

Space Pagans and Smartphone Witches: Where Tech Meets Mysticism
Josie Thaddeus-Johns, The New York Time, 24 nov. 2021 ⬇ pdf (EN)

"Technoschamanismus". In der Mythosfabrik
Jörg Scheller, die Zeit, 9 sept. 2021 ⬇ pdf (DE)

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EXHIBITIONS

Technochamanism exhibition curated by Inke Arns
as a web to print 4,6 × 3 meters wallpaper
Hardware MedienKunstVerein, Dortmund (DE)
9 oct. 2021 - 6 mar. 2022

Consciousness Reframed
as web to print flag (160 × 120 cm, tissu satin brillant Lucent 120g/m2) and banners (20 × 145 cm & 40 × 320 cm tissu peau de pêche Nautica 172g/m2)
Universidade Catolica Portuguesa, Porto (PT)
6-8 june 2019

Computer Grrrls
as a print on demand ticket in Manetta Berends's Cyber/technofeminist cross-readings
La Gaité Lyrique, Paris (FR), 14 mar. - 14 jul. 2019
MU Eindhoven (NL) 20 jul. - 6 oct. 2019

grrrls tech zine fair
as a zine (folded: 10 × 10 cm, papiers Polen Clairefontaine several colors) La Gaité Lyrique, Paris (FR)
20 avril 2019

FEMeeting, Women in Art, Science and Technology
as a reading
Colégio de Nossa Senhora da Graça in Milfontes (PT)
30 may - 5 june 2019

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CREDITS

Les photographies des cybersorcières sont issues du rituel filmé ayant eu lieu en 2017 avec Chloé Lavalette, Silvie Mexico, Hélène Mourrier et Lizzie Saint Septembre.
Cyberwitches ritual
Lucile Olympe Haute
Photographies numériques (tirages tailles variables)
vidéo HDV, 5:13, couleur et son
2017.

Le Manifeste a été rédigé à partir de 2018 et finalisé pour Imbolc 2019.

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« Ce que font les sorcières », penser avec Starhawk et Stengers (FR)

Nous produisons notre environnement et sommes produits par notre environnement. L’urgence actuelle nous intime de faire face aux mutations écologiques et sociétales en cours. Ce manifeste se veut être une pierre à l’édifice amorcé par des penseuses et activistes féministes (Donna Haraway, Audre Lorde), écoféministes (Carol P. Christ, Starhawk, Émilie Hache), cyberféministes (VNS Matrix, Gynepunk), ou d’autres magiciennes (Dion Fortune) et théoriciennes (Isabelle Stengers, Jeanne Favret-Saada).

Ce que font les sorcières c'est de nous forcer à penser la dé-production de forces immanentes et multiples dans lavpopulation et donc à penser aussi l'intérêt de groupes qui cherchent d'où leur viendront le pouvoir de résister autour de ce qui leur importe. [...] Elles ne nous disent pas comment faire [mais nous] obligent à penser comment, comment faire advenir ce dont nous avons besoin pour résister et ce dont nous avons besoin qui parle déjà aujourd'hui de ce qui est le possible pour lequel nous résistons.

entretien de Isabelle Stengers sur sa réception de Dreaming the Dark de Starhawk, première diffusion en 2003, au moment de sa traduction et publication en français chez Les Empêcheurs de Penser en Rond (Femmes, magie et politique, 2003, épuisé) puis chez les éditions Cambourakis, collection Sorcières (Rêver l’obscur, Femmes, magie et politique, 2015).

À la suite de Dion Fortune, Starhawk définit la magie comme l'art de changer la conscience à volonté. La magie inclut la politique. La magie est la psychologie et la technologie de l'immanence, la compréhension que chaque chose est connectée. La magie pourrait être considérée comme une science appliquée, basée sur la compréhension de la création de formes par l'énergie et de la direction de l'énergie par les formes. La conscience donne forme à la réalité ; la réalité donne forme à la conscience. La magie est un art. Elle concerne des formes, des structures, des images qui peuvent nous entraîner hors des limites imposées par notre culture avec une efficacité que les mots seuls n'ont pas. Elle concerne des visions suggérant des possibilités d'accomplissements que n'offre pas un monde vide (le monde du langage de la mise à distance). La magie est volonté — action, énergie dirigée, choix faits non pas une mais plusieurs fois.

Starhawk, Rêver l'obscur, Paris, Cambourakis, 2015 (1982), p. 51-52

entretien avec Alexandre Léchenet pour la newsletter arobase, décembre 2021 (FR)

La figure de la sorcière est revenue sur le devant des scènes militantes ces dernières années. Sans dire de bêtise, Caliban et la sorcière nous montre que la sorcière a été créée au Moyen-Âge pour accompagner l'arrivée du capitalisme par la soumission de la femme. Que représente cette figure de la sorcière pour toi et pourquoi la décliner sur internet ?

La construction de la figure de la sorcière par le pouvoir en place (masculin, patriarcal) pour stigmatiser et détruire, c'est analysé par Federici, oui. C'est aussi évoqué par Michelet — certes pas dans une perspective féministe. Il étudie les procès de sorcellerie et raconte comment est construite la figure de la sorcière, de l'extérieur, comment ça évolue entre le douzième siècle et les derniers procès de sorcellerie au dix-huitième. Pour comprendre ça, sur un mode pop culture, il y a la scène des les Monty Python dans Sacré Graal ! (1975).
Avant ça, avant le Moyen Age, il y avait eu une bascule dans la définition de ce que sont les hérétiques. Dans le canon Episcopi (quatrième siècle après JC), sont déclaré·es hérétiques celleux qui croient que des femmes vont la nuit chevaucher avec Diane ou Hérodiade. Le surnaturel et les croyances païennes sont déconsidérées et qualifiées de songes. L'enjeu est alors de discréditer les croyances et pratiques païennes. Au quinzième siècle et notamment à partir des théories de l’inquisiteur Nicolas Jacquier, c’est le contraire qui se produit. Sera désormais hérétique cielui qui ne croira pas à la réalité du transport au sabbat.
Puis la révolution scientifique des seizième et dix-septième siècles, la modernité, la révolution industrielle, la pensée mécanique du monde, la rationalisation, l’exploitation de la nature et du vivant à grande échelle, le capitalisme... Et la magie se fait technologie, se rabat sur l’effet d’un subterfuge, n’est plus considérée qu’en tant que le résultat de manigances habiles dont les rouages échappent. Ces dernières années, post #metoo, en réponse à l'élection de Trump aussi avec #magicalresistance et la renaissance du mouvement W.I.T.C.H., la sorcière est désormais associée à un positionnement politique — parfois au détriment de la dimension spirituelle. Ce que représente Sorcière pour moi, c'est ce double mouvement, entre stigmatisation et empuissancement (empowerment), retournement du stigmate, revendication, cri de ralliement.
La question technologique / internet, cela vient tout simplement du fait d'assumer que notre devenir-cyborg est acté : nos extensions numériques sont des organes qui étendent notre corps dans des matérialités différentes. Ce n'est pas aussi spectaculaire que le prévoyait la SF des années 70-90' mais c'est fait, nous sommes des cyborgs : les technologies numériques étendent nos capacités (mémoire, connaissance) et structurent notre tissu social au niveau intime et aussi à des niveaux professionnels ou étatiques (déclarations d'impôt, etc.). Le "cyber" de "cybersorcière", en fin de compte, c'est la partie la plus banale du mot.

J'avais entendu parler des formules magiques en ligne, de cyber-doula ou d'autres pratiques. Que racontent-elles ? Est-ce du folklore, une réappropriation, un amusement, un peu de tout ? Le cyber-manifeste cherche-t-il à les rassembler, à tisser un lien ?

J'ai écrit le Manifeste des Cybersorcière pour réunir des amies de différents horizons : sorcières reclaiming et wiccanes (qui se préocupent peu de questions technologique), développeuses / makers / geek (qui manifestent peu d'intérêt pour les choses d'ordre spirituel et pas toujours davantage du côté du féminisme) et activistes queer/trans-féministes (qui n'affichent pas non plus de positionnement spirituel ni d'intérêt pour les questions techno). Toutes ces personnes sont engagées politiquement (écoféminisme, queer/trans-féminisme, émancipation technologique) et participent à des processus d'autonomisation. En 2017, j'ai réuni quatre amies qui se disent "sorcières" mais qui donnent à ce mot des sens très différents. Nous avons réalisé ensemble un rituel (filmé) avec pour objectif d'exprimer la "sorcière" qui est en chacune de nous. Ce moment collectif a été le précurseur du manifeste que j'ai écrit deux ans plus tard. Entre temps et jusqu'à aujourd'hui, je continue une veille sur ces pratiques ésotériques en ligne. Oui, il y a une volonté de rassemblement dans le manifeste.

Que recommandes-tu pour se plonger et les comprendre aux côtés des cyber-sorcières ?

Le Manifeste des cybersorcières, pour commencer ! Et puis d'autres textes auxquels il fait référence : notamment le manifeste des VNS Matrix, celui des GynePunk et du Technoxamanismo
Je recommande d'aller explorer et se perdre dans la plateforme cyberfeminismindex.com.
Toujours dans les questions de cyberféminisme, avec un regard critique aux technologies, il y a l'article de Cornelia Sollfrank, “Revisiting the Future” (Berlin, transmediale/ art & digitalculture, 2017).
Pour un rapport plus historique, Michelet et aussi les retranscriptions de procès de sorcières dans le livret d’accompagnement à la visite de l’exposition « Présumées coupables » aux Archives nationales (du 30 novembre 2016 au 27 mars 2017, téléchargeable en ligne).
Et enfin, pour l'écoféminisme, Reclaim, recueil de textes écoféministes, dirigé par Émilie Hache (Paris, Cambourakis, 2016), où on retrouve Starhawk, Carolyn Merchant, Suzane Saxe... Côté cinéma, VVITCH (2015), the Craft (1996) et Blade Runner (1982). En ce moment et jusqu'au 16 janvier, il y a une exposition à Bruxelles qui est plutôt exhaustive sur la question "sorcière" — sans "cyber".

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